Quelle société fabrique l'intelligence artificielle ? - Avec Dominique Cardon


Le 5 février 2018 a eu lieu le troisième Afterwork de l’AAM au Maif Social Club à Paris. L’AAM recevait Dominique Cardon, directeur du Médialab de Sciences Po et pionnier de la sociologie des technologies de l’information et d’internet sur le thème de l’intelligence artificielle (« Quelle société fabrique l’intelligence artificielle ? »).

Un débat s’est ouvert laissant penser que c’est la technologie qui transforme la société alors même que cette démarche ne résulte que de la manière dont on l’apprivoise et on l’utilise. Ces technologies, programmées par des humains pour des finalités précises, interrogent.

La démographie, l’économie, la sociologie et le marketing ont produit des systèmes conventionnels de catégorisation des individus et des items (services, liens, etc.) qu’ils proposent afin de mieux comprendre les clients, leurs activités ainsi que la manière dont il faut les classer dans l’objectif d’ajuster au mieux le service proposé. Cette représentation catégorielle de nos sociétés est en crise car elle perd en efficacité pour cause de standardisation et de « moyennisation » des individus (les trajectoires de vie sont nettement moins stables et prévisibles au moyen terme qu’elles ne l’étaient autrefois). De nouveaux calculateurs de l’IA segmentent désormais plus finement les individus. En effet, nous faisons face à une réorganisation globale de la manière de catégoriser les choses et les personnes : une granularisation des données, multiplicité des modèles et optimisation de l’unité individuelle. Ces nouveaux calculateurs permettent de prédire notre comportement futur à partir d’un modèle statistique qui n’est pas essentiellement catégoriel. En effet, les internautes produisent eux-mêmes les signaux grâce à leurs traces de comportements (clics, localisation, vitesse de lecture, navigation, etc.). Cela est considérablement plus fiable pour calculer la société : nous éduquons ainsi les algorithmes par les traces que nous laissons sur le web. Il faut cependant porter une attention particulière à la loyauté des calculateurs.

Quant à l’automatisation, elle engendre un réel débat sur le niveau d’emploi futur, même si jusqu’à présent l’évolution des technologies a toujours eu un effet positif sur la société. Il n’y a pas eu de fortes diminutions des emplois. Dominique Cardon ne se prononce pas pour le futur car les chiffres sont encore contradictoires. Certaines données indiquent 47% de substitution dans lesquels les automates intelligents viendraient prendre la place des hommes, d’autres 9%….

Ce qui est aujourd’hui certain, c’est que l’assurance sera très profondément impactée par l’évolution de l’IA, tant pour la matière assurable, la mutualisation vs l’individualisation et enfin les tâches dévolues à certaines fonctions qui sont facilitées par l’IA, à n’en pas douter…